Entretien avec Amicy Bonnissol

Le 20 octobre 2003

92 ans, Ancienne résistante et institutrice à Issingeaux

 

Son parcours : Madame Bonnissol commence en tant qu’institutrice auprès d’une quinzaine d’enfants puis le chiffre grimpera jusqu’à 45 élèves.

Son mari sera arrêté en raison de ses activités en tant que résistant et chef de réseaux, le 16 décembre 1943.

Elle est mutée à l’école de Piny-Bas et restera 3 mois sans nouvelle de lui. Ayant seulement entendue la phrase suivante, (« Nous en avons pour 2 heures de Route ») elle en déduira qu’il faut partir à Lyon pour aller à sa recherche… Sans succès…

Fin Mars, un prisonnier de la même cellule que son mari la renseigne, celui ci serait à Fresne Après un premier temps de méfiance, (car elle même connaît de nombreux renseignements et de nombreux noms de résistants) un indice la rassure : Cet homme lui dit que la chemise que portait son mari, couverte de sang en raison des coups reçus, était celle de son beau-frère. Son mari n’a  pu donner cette information qu’à une personne de confiance. Elle prépare donc un colis pour lui et part, accompagnée de sa cousine. Un code fixé entre eux lui permet de rassurer son mari… en fonction de la couleur du paquet de tabac.

Elle attend à l’entrée de la prison, afin de vérifier que son mari est encore présent, le colis revient vide, puisqu’un soldat le fait pirouetter dans les airs, elle repart donc soulagée. Pour le voir, elle essayera d’insister auprès des officiers Allemands pour pouvoir entrer mais on lui propose d’aller pour cela au préalable au « 84 Avenue Foch » (siège de la Gestapo à l’époque, ce qu’elle ne savait pas !) Elle évoquera alors, plus tard la providence qui l’a empêchée de s’y rendre en raison de la reprise de ses cours le lendemain.

Le 06 juin, alors qu’elle apporte un deuxième colis à son mari, elle apprend le débarquement et donc l’interdiction qui s’en suit, d’apporter tous colis aux détenus mais surtout l’exécution de 150 prisonniers, à la prison de Fresnes. Elle recevra cependant, un peu plus tard, une lettre rassurante d’un camarade de cellule de son mari, lancée « comme une bouteille à la mer », « aux bons soins des cheminots ».

Le 16 décembre, son mari s’évade au cours d’un transfert de Fresne à Compiègne, par le toit d’un wagon endommagé. Revenu à Royaucourt, il contacte la FFI, passe par Paris, Auxerre, et pourra revenir chez lui le 16 septembre, jour où l’on jouait « les Jours Heureux » au cinéma nous raconte-t-elle les larmes aux yeux ! Un ami, Pierre Henry Tedjen la prévient…la séparation aura donc durée 9 mois jour pour jour.

 

Son message : « Un métier auprès d’enfants (pour elle sa vie d’institutrice) est un soutien pour toute la vie ». On pourrait synthétiser son message ainsi : « Essaye de continuer à vivre et à espérer dans les difficultés et agis naturellement, au jour le jour… »

 

Les qualités : Son action lui semble « Naturelle » et ne requiert pas de qualité spécifique… Madame Bonnissol est d’une grande humilité ! Elle souligne seulement l’importance accordée au soutien de ses amis, des parents d’élèves (à l’attitude admirable notamment après son cambriolage en 44) ou encore de sa belle-sœur espagnole (résistante et elle aussi arrêtée en 44).

 

Ses difficultés :

- L’arrestation de son mari

Le jour de l’arrestation, leur fils de 6 ans, Georges, croyait à la venue du père Noël. Il assistera à l’arrestation car il dort à cette époque, avec le lieutenant Morel, autre résistant,  à qui l’on demandera « Montre-moi ton anatomie », afin de vérifier si celui-ci est juif… Une phrase reste alors gravée dans la tête de madame Bonnissol. « Maman, qu’est ce que c’est l’anatomie… ?»

- Après la guerre, elle s’occupe d’enfants placés chez les « Bergers des Cévennes », aux conditions de vie familiale déplorable. Elle est alors enceinte de sa fille. Un accident d’enfant avec un pistolet appartenant à son mari (et caché dans un tiroir de la classe) lui vaudra quelques difficultés supplémentaires. La blessure de l’enfant est légère mais, de nombreuses accusations  l’affecteront et elle aura une légère période de dépression après l’accouchement.

Par ailleurs, la mort d’un enfant de cette œuvre l’affectera aussi durablement malgré la gentillesse du directeur pour le dernier accompagnement de cet enfant.

 

Ses valeurs : La lutte contre le Nazisme par l’engagement dans la résistance et la mise en application de son Idéal, Toujours garder Espoir, dans l’attente notamment. Son fils lui a permis de « tenir bon ».

 

Sa maxime : « Je voudrai que tous les gens comprennent que tous les hommes se valent, que tous les hommes sont frères.»

 

Son symbole : Une certaine idée de Liberté, Justice et Fraternité.

 

En ce qui concerne sont plus grand succès, ce qui la rend unique et les adjectifs qui la qualifient : Madame Bonnissol est trop modeste pour nous répondre, nous essayerons de vous la décrire alors ! Courage, Simplicité et Altruisme la caractérisent.

 

La première femme exceptionnelle qui lui vient à l’esprit : Geneviève de Gaulle et Lucie Aubrac (qu’elle a rencontré) et madame Granet (du Centre d’Informations Des Femmes). A Bonnissol les admire toutes les trois pour leur courage et leur modestie.

 

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